La cour d’assises de Paris, spécialement composée, a condamné hier (Jeudi 2 novembre 2017) Messieurs Abdelkader MERAH et Fettah MALKI pour des infractions en relations avec les crimes commis par Mohamed MERAH à Toulouse et Montauban. Les 11, 15 et 19 mars 2012, à bord d’un scooter volé et en utilisant différentes armes à feu il a assassiné Imad IBN-ZIATEN, Mohamed LEGOUAD, Abel CHENNOUF, Myriam MONSONEGO, Jonathan SANDLER et ses deux fils Arié et Gabriel.
Voici un résumé des éléments clés de l’arrêt d’assises, disponible ci-après en intégralité:
Abdelkader MERAH a été déclaré coupable de:
- vol (du scooter utilisé par Mohamed MERAH lors des crimes)
- en réunion
- en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler grave l’ordre public par l’intimidation ou la terreur
- participation à un groupement ou à une entente terroriste, ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation et la terreur, en commettant des assassinats.
La cour retient notamment qu’Abdelkader MERAH:
- adhérait aux thèses islamistes radicales et violente
- se livrait au prosélytisme
- entretenait des relations avec des personnes appartenant au salafisme radical
- possédait des documents écrits, audio et vidéos prônant le jihad armé
- a été désigné par des témoins comme étant animé d’une idéologie radicale
- consultait régulièrement des sites prônant le jihad
- a été en contact Mohamed MERAH alors que celui-ci était au Waziristan en recherche de contact avec AL QUAIDA
- a régulièrement vu Mohamed MERAH les semaines précédant les assassinats
- a communiqué de façon secrète avec Mohamed MERAH avant les assassinats
- a tenté de cacher la possession de documents expliquant comment effectuer le jihad armé (dissimulation, utilisation de moto…)
- a participé au vol du scooter ayant servi à la commission des crimes en ayant connaissance des intentions de Mohamed MERAH
- adhérait au plan de Mohamed MERAH
Abdelkader MERAH a été acquitté de:
- complicité d’assassinats et de tentatives d’assassinats à raison de l’insuffisance des éléments à charge contre lui.
La cour a notamment précisé:
La complicité par aide ou assistance exige pour être caractérisée que soit constatée la réalisation d’un acte positif par l’agent mis en cause, la simple participation à une association de malfaiteurs – infraction autonome – étant insuffisante. En effet, si la procédure permet de constater l’existence d’actes préparatoires – éléments matériels de l’association de malfaiteurs comme cela a été précédemment souligné – il n’est pas démontré l’existence d’une aide ou assistance, apportée en connaissance de cause, par Abdelkader MERAH, à son frère lors de la commission des assassinats et tentatives d’assassinats.
La cour considère également que la complicité par provocation ne peut être retenue au motif que:
si les rencontres régulières entre les deux frères avant et pendant les faits traduisent une proximité retrouvée, elles ne permettent pas d’en déduire une provocation à l’infraction d’autant que la teneur des échanges, outre celle livrée par Abdelkader MERAH, et en l’absence de tout autre élément, reste inconnue.
Par ailleurs, l’ascendant qu’Abdelkader MERAH a pu avoir sur son frère Mohamed lors de l’adolescence de ce dernier, pas plus que l’exercice d’une « influence indirecte » à l’époque des faits, telle que qualifiée par Abdelkader MERAH lors de sa garde à vue, ne sauraient être retenus au titre d’un élément de la complicité punissable. En effet, le processus de radicalisation extrémiste et violent dans lequel Mohamed MERAH a sombré a pu être alimenté non seulement par son frère, mais aussi par les autres contacts qu’il a noués en France ou à l’étranger lors de ses multiples déplacements.
Selon cette cour, si Abdelkader MERAH, dans le cadre de l’association de malfaiteurs, partageait bien les motivations de son frère, ayant d’ailleurs, a posteriori, qualifié de « cadeau », les actes criminels accomplis, aucun élément de la procédure ne montre qu’à l’époque des faits, il connaissait les objectifs visés et les crimes commis par son frère. A ce propos, il a déclaré en garde à vue qu’il se doutait bien que son frère « avait besoin de faire des coups, pour partir en voyage pour trouver un filon » « soit un réseau pour secourir la cause de Dieu », mais déclarait ignorer qu’il allait immédiatement passer à l’acte et précisait que lui-même n’était pas encore prêt car il y avait des « règles à respecter ».
Fettah MALKI a été déclaré coupable de:
- participation à un groupement ou à une entente terroriste, ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation et la terreur, en commettant des assassinats
- recel d’un gilet part-balles provenant volé aux services de police intentionnellement
- en relation à titre principal avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur
- acquisition et détention, cession irrégulière et transport sans autorisation d’une ou plusieurs armes de catégorie A ou B et leurs munitions et ce intentionnellement
- en relation à titre principal avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur,
Article 421-1 du code pénal
Article 421-2-1 du code pénal
Arrêt mis à disposition par Dalloz-Actualité,
Arrêt de la Cour d’assises
L’information judiciaire a établi et les débats devant cette cour ont confirmé que
les 11, 15 et 19 mars 2012, Mohamed MERAH au volant d’un scooter T-MAX 530 volé
et porteur d’un pistolet REMINGTON, outre un pistolet mitrailleur de marque UZI pour
le dernier de ces faits, a assassiné Imad IBN-ZIATEN, Mohamed LEGOUAD, Abel
CHENNOUF, Myriam MONSONEGO, Jonathan SANDLER et ses deux fils Arié et
Gabriel.
Les investigations ont confirmé que Mohamed MERAH a également tenté
d’assassiner Aaron BIJAOUI, Yaacov David SOUSSAN et Loïc LIBER, ce dernier,
grièvement blessé, étant devenu tétraplégique.
L’information judiciaire a établi et les débats devant cette cour ont confirmé, que
ces faits ont été perpétrés par Mohamed MERAH, seul présent lors des assassinats, et ce
au nom d’une idéologie islamiste radicale et violente, ce dernier ayant expliqué, tant lors
des échanges avec le négociateur du raid, qu’à l’occasion d’une conversation avec une
journaliste de FRANCE 24, puis, dans un courrier découvert dans un des deux sacs
confiés à une amie, qu’aux termes de l’enregistrement vidéo intitulé « AL QUAIDA
attaque la France », il agissait pour le compte de l’organisation terroriste AL QUAIDA
et avait été entraîné par des talibans pakistanais avant de passer à l’acte.
Sur ce point, l’information judiciaire a établi le caractère sérieux de la
revendication par Moez GARSALLAOUI des crimes perpétrés par Mohamed MERAH
au nom du groupe « Jund al khalifa », groupement affilié à AL QUAIDA. A cet égard,
Urynbasar Jolamanovich MUNATOV, présentant Moez GARSALLAOUI comme le
représentant d’AL QUAIDA, expliquait comment Mohamed MERAH avait
effectivement séjourné à MIRAM SHAH et bien rencontré Moez GARSALLAOUI.
Les divers témoins ayant assisté aux assassinats ont parfaitement dépeint le
comportement déterminé, méthodique et implacable du tueur, qui choisissant
précisément ses cibles et épargnant certaines autres personnes présentes, abattait
froidement, souvent dans le dos, ses victimes qu’elles soient adultes ou enfants. Une telle
attitude illustrait clairement l’idéologie qui l’animait, motivée par la haine absolue qu’il
éprouvait à l’encontre des représentants de l’Etat français et notamment les militaires et
des membres de la communauté juive.
Ainsi, l’information judiciaire, puis les débats, ont démontré que l’action de
Mohamed MERAH s’inscrivait bien dans la logique d’un groupe ou d’une entente de
personnes scellées autour d’une thèse commune, favorables au jihad armé, animées
d’une haine farouche visant de prétendus « ennemis de l’Islam » et s’illustrant par
l’accomplissement d’assassinats. A ce stade, il convient de rappeler qu’il est indifférent,
en droit, de connaître précisément l’identité de tous les membres composant l’association
ou l’entente pour que la responsabilité pénale de l’un d’entre eux puisse être engagée.
I – Sur la culpabilité d’Abdelkader MERAH :
A – La Cour d’Assises de PARIS spécialement composée a été convaincue de la
culpabilité d’ Abdelkader MERAH d’avoir à TOULOUSE, AUCAMVILLE, et dans le
département de la HAUTE-GARONNE, le 6 mars 2012, frauduleusement soustrait un
scooter T-MAX 530 de marque Yamaha, au préjudice de Florian DE COLOMBEL, avec
cette circonstance que les faits ont été commis par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur et de complice, ladite infraction ayant été commise en relation avec une
entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public
par l’intimidation ou la terreur, en raison des éléments à charge suivants qui ont été
discutés lors des débats et qui ont constitué les principaux éléments exposés au cours des
délibérations menées par la Cour, préalablement aux votes sur les questions :
1°) Il n’est ni contesté ni contestable que, le 6 mars 2012, le scooter T-MAX 530 de
Florian de COLOMBEL a été dérobé à TOULOUSE alors qu’il était garé devant le
garage STEA, et que les clés se trouvaient sur le véhicule. Il n’est pas plus contestable
que Mohamed MERAH, qui a été mis en cause par son frère Abdelkader et a reconnu,
lors des négociations avec le RAID son implication dans les faits, est l’auteur de ce vol;
2°) Si Abdelkader MERAH, lors de sa garde à vue, a reconnu avoir été présent lors du
vol du scooter T-MAX 530, il a contesté avoir participé aux faits en connaissance de
cause, ayant été, selon lui, mis devant le fait accompli par son frère. Sur ce point, le
transport effectué par les magistrats instructeurs a confirmé que Mohamed MERAH avait
pu apercevoir les clés en passant en voiture. Par ailleurs, aucun élément de la procédure
ne permet d’affirmer que ce vol était prémédité et que, notamment, M. de COLOMBEL
aurait été suivi jusqu’au garage STEA;
3°) Toutefois, cette cour d’assises n’a nullement été convaincue par les protestations
d’innocence d’Abdelkader MERAH, quant à sa participation active à ce vol
d’opportunité, pour les raisons suivantes:
⁃ en premier lieu, les investigations ont parfaitement démontré que
ce vol avait été commis après que Mohamed MERAH se soit renseigné sur
l’existence d’un traqueur équipant ce type d’appareil, alors qu’il se trouvait dans le
même magasin YAM 31, que son frère Abdelkader et Mohamed Mounir
MESKINE, ce dernier situant la scène à 15 heures ce jour-là. Sur ce point les
éléments en attestant ont largement été débattus devant cette cour d’assises que ce
soit : le témoignage de Cédric NICODEME affirmant qu’à une seule reprise
Mohamed MERAH est venu lui demander des renseignements sur le traqueur et
que ce jour-là, Mme LAGIER lui a dit de mettre fin à la conversation; le
témoignage de Mme LAGIER confirmant ce point et faisant le lien entre cet
incident et l’achat d’une cagoule de type « chouette » achetée au même moment
par Mohamed MERAH; l’existence d’un ticket de caisse démontrant que l’achat de
la cagoule de type « chouette » avait été réalisé entre 15 h 05 et 18 h 29; la
découverte de la cagoule en question dans le casque blanc de Mohamed MERAH;
la vérification de la vente des cagoules de type « chouette » attestant qu’un
exemplaire a bien été vendu le 6 mars 2012, et les deux autres, les 14 et 26 mars,
soit postérieurement à l’enlèvement du traqueur pour la première et aux faits,
pour la seconde ; enfin, le témoignage de Zacharia MOKKEDEM, recueilli plus
de 2 ans après les faits, reste imprécis sur la date de la rencontre avec Mohamed
MERAH;
⁃ en deuxième lieu, le comportement d’Abdelkader MERAH, lors
des faits de vol, démontre une assistance à la réalisation du vol dans la mesure
où, conduisant le véhicule de son frère lors des faits, s’arrêtant à sa demande
devant le garage, il s’est garé dans un parking à proximité du lieu des faits, a
attendu son frère, l’a suivi immédiatement alors que ce dernier quittait les lieux à
grande vitesse au moyen du scooter T-MAX dérobé, l’a aidé à dissimuler le
scooter dans une résidence sise à AUCAMVILLE, l’a attendu puis récupéré et
enfin, lui a acheté un blouson, tout en affirmant, paradoxalement, avoir, dans le
même temps, exprimé sa réprobation face au fait de vol qui venait de se
commettre;
⁃ en troisième lieu, Abdelkader MERAH a toujours refusé de
préciser l’identité du « troisième homme » prétendument présent lors des faits, ne
livrant le nom de Walid LARBI BEY qu’après le décès de ce dernier, en août
2014, interdisant de fait son audition qui aurait permis de valider ou non sa
version des faits;
⁃
4°) Il n’est pas contestable que le vol du scooter commis par deux voire trois personnes
agissant en qualité de coauteur et de complice l’a donc été en réunion. A ce propos, le fait
qu’Abdelkader MERAH n’accompagne pas son frère sur le lieu précis du vol, mais reste
à l’écart, le temps de la commission de l’infraction, dans le but de pouvoir soit récupérer
l’auteur principal en cas d’échec ou l’assister pour dissimuler l’objet du vol en cas de
réussite, caractérise suffisamment la circonstance aggravante de réunion;
5°) Il n’est pas plus contestable que le vol en réunion auquel Abdelkader MERAH a
participé a été commis en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant
pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur. Sur ce
point, Abdelkader MERAH a précisé en garde à vue, qu’il se « doutai(t) bien que (son)
frère allait » commettre des « braquages de station service, des vols, des agressions », et
ce dans le cadre de son projet terroriste au service de la cause, son frère ayant besoin
d’argent pour « trouver un filon »;
B – La cour d’assises de PARIS spécialement composée a été convaincue de la culpabilité
d’ Abdelkader MERAH d’avoir, courant 2011, 2012 jusqu’au 21 mars 2012, à
TOULOUSE, AUTERIVE, AUCAMVILLE et dans le département de la HAUTE GARONNE,
participé à groupement ou à une entente terroriste, ayant pour but de
troubler gravement l’ordre public par l’intimidation et la terreur, en commettant des
assassinats, en raison des éléments à charge suivants qui ont été discutés lors des débats
et qui ont constitué les principaux éléments exposés au cours des délibérations menées
par la Cour, préalablement aux votes sur les questions :
1°) Il n’est pas contestable que, depuis 2006 et sa conversion à l’islam, Abdelkader
MERAH a adhéré aux thèses islamistes radicales au contact, notamment, d’Olivier
COREL, de Sabri ESSID, de Jean-Michel et Fabien CLAIN et a revendiqué son
appartenance au mouvement salafiste radical. A cet égard, les notes déclassifiées de la
direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) ont confirmé qu’Abdelkader
MERAH, se livrant parfois à du prosélytisme, entretenait des relations soutenues avec
ces personnes, pour certaines condamnées lors de l’affaire dite d’ARTIGAT, et a été
proche de radicaux takfir, tel Ali DJAANFAR. La fréquentation assidue de ce groupe l’a
conduit à séjourner – comme de nombreux membres de cette nébuleuse d’ailleurs– à
plusieurs reprises, au CAIRE, en 2006 d’abord, puis, entre fin 2009 et février 2011, pour
parfaire ses connaissances religieuses dans divers établissements, dont notamment
l’Institut AL FAJER;
2°) Les propos tenus par Abdelkader MERAH lors de sa garde à vue, puis de
l’information judiciaire – soit directement au magistrat instructeur, soit lors de parloirs
avec des membres de sa famille – et enfin, devant cette cour d’assises, ne permettent pas
de douter de son adhésion intellectuelle aux thèses islamistes extrémistes et violentes,
estimant être « fier » de la manière dont son frère était mort « en combattant »,
qualifiant la France d’ennemie, affirmant se soumettre aux lois divines, mais non à celles
de la République, assurant que le jihad est un des piliers de l’Islam, justifiant enfin,
implicitement, les actes de son frère par le fait que ce dernier serait nécessairement au
paradis puisque décédé « en martyr » au service de « la cause »;
3°) L’adhésion intellectuelle et l’intérêt manifeste d’Abdelkader MERAH pour une
idéologie islamiste radicale et violente ne résultent pas seulement de ses propos mais
s’appuient également sur la découverte par les enquêteurs de nombreux documents
papiers, audio et vidéos.
Ainsi, ont été trouvés en perquisition, que ce soit dans la bibliothèque
d’Abdelkader MERAH ou dans un disque dur lui appartenant – objet du scellé 11( trouvé
en bas d’une armoire de la chambre occupée par sa femme au domicile de Fatma
MESBAH dans un sac plastique fermé par des rubans adhésifs), de nombreux ouvrages
ou documents faisant référence à des auteurs tels Abdullah AZZAM (dont notamment la
biographie a été téléchargée le 29 septembre 2011), Abu Mohammed AL-MAQDISSI ou
des documents faisant référence à Oussama BEN LADEN et des textes prônant
ouvertement le jihad armé, glorifiant les moudjahidines et leur promettant le paradis
(tels que les vertus du jihad, les raisons du jihad, le jihad dans le Qu’ran, le jihad dans la
Sunna, doctrine religieuse et morale du jihad, grand et petit jihad, …), des textes
stigmatisant « les mécréants » dont les personnes appartenant à la communauté juive (
tels que notamment les innocents, point de vue islamique sur le processus de paix, ….).
Par ailleurs, diverses vidéos de propagande jihadiste étaient découvertes, soit
dans le portable NOKIA utilisé par Abdelkader MERAH ( dont la dernière consultation
pouvait être datée du 14 novembre 2011), soit dans un sous dossier intitulé curieusement
« cd mohamed », comportant de nombreux chants en arabe incitant au combat et
rappelant la récompense des martyrs (tels que : « les amoureux du sommet », «allons
pour le jihad », « allons pour les katibas », «attaquez, réveillez vous », «les houris »,
«combats moujahid », « lèves toi », «l’épée de l’islam »,….), soit enfin, dans un fichier
audio en langue arabe présentant les quatre sortes de jihad dirigé contre l’âme, contre
Satan, contre les « mécréants et les hypocrites qu’il convient de haïr et combattre par la
force », soit enfin, contre « les auteurs d’injustice qu’il importe de combattre par la
force ».
4°) Plusieurs témoins assurent qu’ Abdelkader MERAH était animé par une idéologie
religieuse extrémiste radicale.
Ainsi, tant lors de l’information judiciaire que devant cette cour d’assises,
Abdelghani MERAH a affirmé avoir été élevé dans un milieu fortement antisémite,
relatait qu’à sa sortie de prison son frère, s’étant rapproché des salafistes, développait un
discours empli de haine.
De même, Théodore CHENEVAT, neveu d’Abdelkader MERAH et fils du
précédent, a expliqué devant cette cour comment son oncle, avait tenté de le convaincre
de la nécessité d’avoir un Etat islamique et lui avait montré des vidéos jihadistes.
Sa mère, Anne CHENEVAT a expliqué, lors de l’information judiciaire et devant
cette cour, la fascination, qu’à une époque, Abdelkader MERAH nourrissait pour
Oussama BENLADEN dont il avait exprimé le souhait de se faire tatouer le nom, soit sur
le front, soit sur la nuque. Elle a relaté qu’Abdelkader MERAH avait développé un
discours haineux envers les américains et la France.
Enfin, un témoin – entendu devant cette cour sous couvert de l’anonymat – a
expliqué comment il avait vu des vidéos de décapitations que lui avait montrées
Mohamed MERAH, alors qu’Abdelkader MERAH se trouvait à proximité.
5°) Au-delà de la seule revendication de thèses extrémistes et violentes qui viennent
d’être évoquées, les investigations ont démontré qu’Abdelkader MERAH a participé de
manière effective à l’association de malfaiteurs. En effet, plusieurs des éléments
matériels exigés par la loi pour caractériser une telle participation sont, selon cette cour,
parfaitement réunis en l’espèce, qu’il s’agisse :
– en premier lieu, de la consultation assidue de sites prônant le jihad, l’enregistrement et
l’archivage de documents, outre la lecture de nombreux ouvrages véhiculant de telles
idées, comme cela a été précédemment évoqué;
⁃ – en deuxième lieu, de l’existence, révélée par les conversations
entre certains membres de la fratrie MERAH et confirmée par Abdelkader
MERAH, d’un contact par messagerie électronique entre mi-septembre 2011 et le
9 octobre 2011, entre les deux frères, alors que Mohamed MERAH se trouvait à
MIRAM SHAH , soit dans le Nord WAZIRISTAN, au sein des zones tribales à la
recherche de contacts avec le groupe terroriste AL QUAIDA . Les investigations
ont démontré, en effet, que Mohamed MERAH a cherché, dés le 17 septembre
2011, à joindre, en urgence, son frère Abdelkader, avec lequel, pourtant, il a
affirmé être fâché, sans, toutefois, dévoiler aux autres membres de la famille la
raison de cette demande. Cette cour d’assises, comme d’ailleurs les enquêteurs
qui ont déposé devant elle, estime qu’une telle volonté d’entrer en relation, à ce
moment précis, dont l’objet est resté secret, ne peut s’expliquer que par la
volonté de Mohamed MERAH, soit d’obtenir les coordonnées d’un contact lui
permettant d’entrer en relation avec un membre d’AL QUAIDA, soit d’informer
son frère de ce que, précisément, ce contact était réalisé. A cet égard, il peut
sembler étonnant que Mohamed MERAH ne se soit pas confié à son frère sur son
voyage au PAKISTAN ou son entraînement subi au WAZIRISTAN, la procédure
ayant démontré que celui-ci avait fait la confidence à des tiers;
-en troisième lieu, de l’existence de rencontres régulières entre Mohamed et Abdelkader
MERAH, trois semaines avant les faits.
A cet égard les investigations ont prouvé que, durant les trois semaines précédant
les assassinats, les deux frères se sont vus très régulièrement : deux ou trois jours après
leur réconciliation sur une butte selon le propre aveu d’Abdelkader MERAH, le 26 février
2012 sur le terrain de sport selon Belmel OULD BELMARREK, le 7 mars 2012 lors
d’une tentative de rodéo, le 11 mars 2012, peu avant l’assassinat d’Imad IBN ZIATEN
comme l’a notamment confirmé devant cette cour Sid Ahmed BOUALEM , le 14 mars
2012 lors d’un nouveau rodéo sur le stade des Violettes, le 15 mars 2012 à l’occasion
d’un dîner avec Aïcha MERAH, les 15 ou 16 mars 2012 à la carrosserie des IZARDS et
enfin, dans la soirée du 17 au 18 mars 2012.
A cet égard, force est de constater que, bien que Mohamed MERAH soit titulaire
de plusieurs abonnements téléphoniques et qu’Abdelkader MERAH disposât d’un
portable, aucun contact de cet ordre n’a pu être constaté entre eux, ce qui démontre que
les intéressés n’ont jamais utilisé ce type de moyen de communication pour se donner
rendez-vous. Sur ce point, Jamel SLIMANI a relaté qu’un jour, postérieurement au 11
février 2012, il avait constaté l’arrivée inopinée d ‘ Abdelkader MERAH dans
l’appartement de son frère sis rue Sergent VIGNE. Une telle attitude traduit la volonté
manifeste de ne pas utiliser de téléphones portables afin de dissimuler tant ses relations
compromettantes que sa localisation. Un tel comportement, selon cette cour, caractérise
une volonté de dissimulation dans le cadre d’une organisation clandestine, volonté
d’ailleurs qu’Abdelkader MERAH a revendiquée en garde à vue en déclarant qu’il
n’utilisait pas un portable de sa femme qui lui était présenté car : «on peut se faire griller
avec ça »;
⁃ -en quatrième lieu, de la découverte dans un IPOD de notes –
volontairement effacées selon l’expert venu déposer à cette barre – prises par
d’Abdelkader MERAH, au contenu très opérationnel et issues selon l’intéressé
de cours prodigués par le « cheik ABEID » – qualifié de « savant pakistanais ».
Ces notes, dont la teneur a été livrée par Abdelkader MERAH lui-même lors de
sa garde à vue, décrivaient les techniques devant être utilisées par des membres
d’organisation jihadistes consistant notamment en la nécessité de se fondre dans la
population, se déplacer en moto, ne pas utiliser le téléphone, diversifier les lieux
de rendez-vous, s’habiller en noir . Selon cette cour, le simple fait de prendre de
telles notes traduit un intérêt majeur pour les informations ainsi diffusées et la
volonté de s’approprier les techniques enseignées dans un but opérationnel
compte tenu de l’intérêt manifesté par ailleurs, comme il a déjà été dit, pour le
jihad armé. En outre, force est de constater que le mode opératoire recommandé
dans ces notes présente des similitudes manifestes avec celui utilisé par Mohamed
MERAH lors des faits;
⁃ – en cinquième lieu, de la découverte dans un lecteur multimédia
ARCHOS, propriété d’Abdelkader MERAH, de 17 audios, transférés sur
l’appareil le 11 février 2012, soit un mois avant le premier assassinat, et
correspondant à une formation dispensée par un individu utilisant le pseudonyme
de frère Abi Obeida Abdallah Al Adhem et diffusés par le groupe « AL
FAJER ». Sur ce point, Abdelkader MERAH a reconnu avoir modifié les titres
originaux desdits fichiers – correspondant à une série de formations destinées aux
jihadistes, et intitulée « la fabrique du terrorisme » .L’analyse et la traduction de
ces audios a permis de constater que ces enseignements faisaient référence à
diverses techniques utilisées par l’organisation AL QUAIDA pour former les
moudjahid à la dissimulation avant le passage à l’acte criminel. Ainsi, le fichier
« comportement copine » commence par ce conseil « quand on veut assassiner
quelqu’un on le surveille ». Selon cette cour, la modification des titres par
l’intéressé sous des intitulés apparemment anodins comprenant tous le vocable
« comportement », traduit bien la connaissance qu’avait Abdelkader MERAH de
leur contenu et de la volonté de les cacher, même si ces fichiers ont finalement pu
être retrouvés à l’issue d’une longue expertise
-en sixième lieu, de la participation au vol du scooter T MAX 530 qui sera utilisé par
Mohamed MERAH pour commettre ses crimes, immédiatement suivie par l’achat du
blouson comme cela a été précédemment décrit. Sur ce point, lors de sa garde à vue,
Abdelkader MERAH n’a pas contesté que le scooter dérobé serait utilisé par son frère
pour commettre des infractions en lien avec l’idéologie radicale de celui-ci puisqu’il a
déclaré qu’il se doutait que son frère allait faire «des conneries avec » soit «des
braquages de stations service, des vols, des agressions », son frère « ayant « besoin de
faire des coups, pour partir en voyage pour trouver un filon » « soit un réseau pour
secourir la cause de Dieu »;
– en septième lieu, des propos d’Abdelkader MERAH, en garde à vue, lorsqu’il a
affirmé que, deux ou trois jours après leur réconciliation, Mohamed MERAH s’était
confié à lui en évoquant, à nouveau, le Jihad, et en lui expliquant qu’il devait « bouger
rapidement, trouver un filon rapidement ou faire des coups en France ou à l’étranger ».
A cet égard, même si Abdelkader MERAH a souligné vouloir, pour sa part, « respecter les
étapes », car il n’était « pas prêt », de tels propos démontrent une adhésion de principe
au projet de son frère qui s’est confié à lui, même si, selon Abdelkader MERAH, tous
deux étaient en désaccord sur la stratégie à employer, voire le calendrier ;
6°) Les déclarations de Mohamed MERAH au négociateur du RAID selon lesquelles il
aurait agi seul en France ne permettent nullement d’exonérer Abdelkader MERAH de sa
responsabilité pénale dans le cadre de l’association de malfaiteurs puisque, dans le même temps, Mohamed MERAH a affirmé avoir été seul lors du vol du scooter, conduisant seul la voiture l’ayant amené sur le lieu du vol, ce qui est parfaitement inexact et traduit une volonté de ne pas livrer le(s) nom(s) d’autre(s) membre(s) du groupement formé ou del’entente établie susceptible(s) d’être mis en cause par ses déclarations. Mohamed MERAH a d’ailleurs clairement expliqué n’avoir nulle intention de livrer le nom de « frères » susceptibles de l’avoir soutenu dans son entreprise criminelle;
7°) Il n’est pas contestable que l’association de malfaiteurs à laquelle Abdelkader MERAH a participé avait pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur;
8°) Il n’est pas plus contestable que cette association de malfaiteurs avait pour objet la préparation d’atteintes volontaires à l’intégrité des personnes, puisque précisément ces crimes se sont effectivement réalisés et que, notamment, les notes découvertes dans le lecteur multimédia évoquent précisément la possibilité d’assassiner des personnes suivies.
La Cour d’Assises de PARIS spécialement composée a acquitté Abdelkader MERAH des crimes de complicité des faits d’assassinats et de tentatives d’assassinats, par provocation et /ou aide ou assistance, qui lui étaient reprochés, et commis à Toulouse, Montauban, et dans le département de Haute-Garonne, les 11, 15 et 19 mars 2012, après
avoir considéré, au vu des éléments exposés au cours des débats, puis des délibérations
menées par la Cour préalablement au vote sur les questions, que les éléments à charge
existant contre l’accusé étaient insuffisants et que le doute devait lui profiter, en ce que :
1°) La complicité par aide ou assistance exige pour être caractérisée que soit constatée la
réalisation d’un acte positif par l’agent mis en cause, la simple participation à une
association de malfaiteurs – infraction autonome – étant insuffisante. En effet, si la
procédure permet de constater l’existence d’actes préparatoires – éléments matériels de
l’association de malfaiteurs comme cela a été précédemment souligné – il n’est pas
démontré l’existence d’une aide ou assistance, apportée en connaissance de cause, par
Abdelkader MERAH, à son frère lors de la commission des assassinats et tentatives
d’assassinats.
Sur ce point , cette cour d’assises a relevé les éléments suivants :
⁃ Mohamed MERAH a toujours été seul au moment de la réalisation
des crimes les 11, 15 et 19 mars 2012,
⁃ la présence d’Abdelkader MERAH, lors de la commission des
faits, même sans action positive de sa part – qui pourrait s’analyser en un
encouragement même simplement moral – n’a pas plus été établie,
⁃ les investigations ont, en outre, démontré que Mohamed MERAH
avait, seul, loué les véhicules CLIO et Mégane dans lesquels ont été retrouvées
des armes et les box où ont été entreposés et découverts, sur ses indications, le
scooter T-MAX 530 et la CLIO 3,
⁃ les investigations n’ont pas permis de démontrer qu’Abdelkader
MERAH avait participé à l’acquisition de l’arsenal détenu par son frère, Fettah
MALKI ayant pour sa part toujours déclaré – s’agissant de la fourniture du pistolet
mitrailleur Micro UZI, des chargeurs et cartouches l’accompagnant – n’avoir eu
affaire qu’à Mohamed MERAH, ce que d’ailleurs Christelle CLAUZEL n’a pas
démenti,
⁃ les investigations n’ont nullement permis de déterminer
qu’Abdelkader MERAH avait participé au maquillage du scooter T-MAX 530, les
témoins intrigués par l’odeur de solvant n’ayant vu qu’un seul homme, Mohamed
MERAH,
⁃ outre les traces papillaires et ADN découvertes sur les CD – ayant
appartenu effectivement à Abdelkader MERAH – trouvés dans la CLIO 3 et les
traces d’ADN d’Abdelkader MERAH trouvées également dans ledit véhicule, dans
lequel ce dernier – au même titre que plusieurs autres personnes d’ailleurs – ne
conteste pas être monté, aucune autre trace papillaire ou ADN correspondant à
l’intéressé n’a été découverte dans les box, sur les armes et munitions utilisées lors
des assassinats ou trouvées par les enquêteurs, dans la Mégane, sur le scooter TMAX
530 et les vêtements et objets utilisés par Mohamed MERAH lors des faits,
⁃ l’enquête et l’information judiciaire ont prouvé que les surveillances
réalisées à MONTAUBAN avaient été effectuées par Mohamed MERAH, seul, à
bord de sa CLIO 3,
⁃ aucun élément de la procédure ne permet d’affirmer que c’est
Abdelkader MERAH qui a consulté, le 4 mars 2012 à 23 h 08 et 23 h 11,
l’annonce déposée sur le site le BON COIN par Imad IBN ZIATEN,
⁃ la consultation de l’annonce déposée dans le BON COIN par Imad
IBN ZIATEN, le 8 mars 2012 à 17 heures 08, depuis un cyber-café, sis à
proximité de la place du capitole à TOULOUSE, a pu être faite par Mohamed
MERAH, dont le GPS de la CLIO bornait, avant (16 h 45 ) et après (17h13) la
connexion, à proximité de ce lieu et la présence d’Abdelkader MERAH n’a jamais
été évoquée à ce moment-là,
⁃ de même, la procédure permet de conclure, notamment, grâce à la
géolocalisation de la CLIO 3 de Mohamed MERAH que c’est bien ce dernier qui
a consulté l’annonce déposée par Imad IBN ZIATEN le 11 mars 2012 à 12h37,
puis contacté la victime, pour mettre en place le guet-apens, à 13h03 et 13h10,
alors que, dans le même temps, Abdelkader MERAH participait à un match de
football, comme l’ont confirmé des témoins,
⁃ la participation au vol du T-MAX 530 est en soi insuffisante, selon
cette cour, pour affirmer que ce vol a été commis en connaissance de cause de ce
que ce véhicule allait précisément servir d’instrument aux assassinats commis. En
effet, si Abdelkader MERAH a précisé en garde à vue, qu’il se « doutai(t) bien
que (son) frère allait » commettre des « braquages de station service, des vols, des
agressions », et ce dans le cadre de son projet terroriste au service de la cause, il a
pu ignorer lors de ce vol que ce scooter allait être l’instrument des assassinats
effectivement commis,
⁃ aucun élément de la procédure ne permet d’affirmer qu’Abdelkader
MERAH savait que le blouson acheté à son frère allait être utilisé lors de la
commission des assassinats perpétrés par Mohamed MERAH les 11 et 15 mars
2012,
⁃ les investigations ont démontré que c’était bien Mohamed
MERAH, seul, qui, assisté de Fouad DRIOUECH, a ôté le traqueur sur le TMAX
530, le 9 mars 2012, et qu’il avait envisagé la veille de chercher un autre
véhicule en sollicitant, seul, Bodief BOUGHERARA sur ce point,
⁃ enfin, aucun élément de la procédure ne démontre que le montage
du film AL QUAIDA attaque la FRANCE, que l’envoi de la clé USB ou la
revendication des faits réalisée auprès d’une journaliste à France 24, ont été
effectués par Mohamed MERAH avec l’assistance de son frère Abdelkader.
⁃
2°) Cette cour estime que, tant l’information judiciaire que les débats ne démontrent pas
qu’ Abdelkader MERAH a commis les agissements indispensables pour caractériser la
complicité par provocation à savoir les don, promesse, menace, ordre, abus d’autorité
ou de pouvoir.
En effet, si les rencontres régulières entre les deux frères avant et pendant les faits
traduisent une proximité retrouvée, elles ne permettent pas d’en déduire une provocation à
l’infraction d’autant que la teneur des échanges, outre celle livrée par Abdelkader
MERAH, et en l’absence de tout autre élément, reste inconnue.
Par ailleurs, l’ascendant qu’Abdelkader MERAH a pu avoir sur son frère Mohamed lors
de l’adolescence de ce dernier, pas plus que l’exercice d’une « influence indirecte » à
l’époque des faits, telle que qualifiée par Abdelkader MERAH lors de sa garde à vue, ne
sauraient être retenus au titre d’un élément de la complicité punissable. En effet, le
processus de radicalisation extrémiste et violent dans lequel Mohamed MERAH a sombré
a pu être alimenté non seulement par son frère, mais aussi par les autres contacts qu’il a
noués en France ou à l’étranger lors de ses multiples déplacements.
Selon cette cour, si Abdelkader MERAH, dans le cadre de l’association de malfaiteurs,
partageait bien les motivations de son frère, ayant d’ailleurs, a posteriori, qualifié de
« cadeau », les actes criminels accomplis, aucun élément de la procédure ne montre qu’à
l’époque des faits, il connaissait les objectifs visés et les crimes commis par son frère. A
ce propos, il a déclaré en garde à vue qu’il se doutait bien que son frère « avait besoin de
faire des coups, pour partir en voyage pour trouver un filon » « soit un réseau pour
secourir la cause de Dieu », mais déclarait ignorer qu’il allait immédiatement passer à
l’acte et précisait que lui-même n’était pas encore prêt car il y avait des « règles à
respecter ».
II – Sur la culpabilité de Fettah MALKI :
A – La cour d’assises de PARIS spécialement composée a été convaincue de la culpabilité
de Fettah MALKI d’avoir, courant 2011, 2012 jusqu’au 21 mars 2012, à TOULOUSE,
L’ISLE EN DODON et dans le département de la HAUTE-GARONNE, participé à un
groupement ou à une entente terroriste ayant pour but de troubler gravement l’ordre
public par l’intimidation et la terreur, en commettant des assassinats en raison des
éléments à charge suivants qui ont été discutés lors des débats et qui ont constitué les
principaux éléments exposés au cours des délibérations menées par la Cour,
préalablement aux votes sur les questions :
1°) Fettah MALKI a reconnu, lors de sa garde à vue – après avoir varié à de multiples
reprises dans ses déclarations -, puis devant le juge d’instruction, et enfin devant cette
cour d’assises, avoir confié un pistolet mitrailleur de type micro UZI et des chargeurs,
outre un gilet pare-balles, à Mohamed MERAH;
2°) Lors de sa garde à vue, puis devant le magistrat instructeur, Fettah MALKI a reconnu
formellement, sur photographie, le pistolet mitrailleur de type micro UZI retrouvé dans
le véhicule Mégane loué par Mohamed MERAH et utilisé lors des faits de l’école OZAR
HATORAH, comme étant celui qu’il lui avait cédé. Il a, d’ailleurs, expliqué qu’il avait
compris qu’il s’agissait bien de cette arme lorsqu’il avait été informé qu’elle s’était
enrayée, lors des faits du 19 mars 2012, dans la mesure où elle avait été conservée,
enfouie dans la terre, dans un sac et qu’elle était humide et rouillée lorsqu’elle avait été
déterrée;
3°) Sur ce point, Christelle CLAUZEL a expliqué devant cette cour d’assises, comme
lors de l’information judiciaire, comment Fettah MALKI lui avait demandé d’enterrer
deux armes, soit un pistolet mitrailleur micro UZI et un SKORPIO, outre des munitions
et chargeurs, dans le jardin de sa résidence de BOISSEDE et qu’elle s’était exécutée.
Elle a également précisé qu’elle avait, à la demande de son compagnon, dissimulé sous
son matelas un gilet pare-balles qu’il lui avait confié. Enfin, elle a relaté qu’un soir, au
milieu de la nuit, Fettah MALKI accompagné de Mohamed MERAH était venu récupérer
le pistolet micro UZI qu’elle avait préalablement nettoyé à l’aide d’un produit anti-rouille
acheté à la demande de son compagnon;
4°) A cet égard, les investigations ont démontré que, le 27 février 2012, à 1 h 22, la CLIO
3 louée par Mohamed MERAH était localisée à l’ISLE-EN-DODON, soit à proximité de
la résidence du couple MALKI – CLAUZEL, et qu’il est donc loisible de penser que
l’arme a été récupérée ce même jour ;
5°) Lors des échanges avec le négociateur du raid, Mohamed MERAH a confirmé que,
lors de la tuerie de l’école OZAR HATORAH, son arme s’était enrayée et qu’il savait que
les balles avaient pris l’humidité, ce qui conforte le fait que c’est bien l’arme
originellement détenue par Fettah MALKI qui a servi lors de ces faits;
6°) Fettah MALKI a également reconnu avoir, le 17 mars 2012, en échange de bijoux
provenant d’un vol avec arme qui venait de se commettre, versé à un complice de
Mohamed MERAH la somme de 10 000 euros, son empreinte digitale ayant été
identifiée sur un billet de 50 euros trouvé dans le coffre du véhicule CLIO 3 loué par
Mohamed MERAH et découvert dans le box, sis rue de la tannerie à TOULOUSE;
7°) Le fait de céder un pistolet mitrailleur Micro UZI, des munitions et un gilet pareballes
établit suffisamment l’élément matériel exigé pour caractériser l’entente scellée
entre Mohamed MERAH et Fetha MALKI. Ce dernier délinquant d’habitude et
connaissant parfaitement les résidents de la cité des IZARDS et notamment le passé
délinquant de Mohamed MERAH, ne pouvait ignorer qu’en lui confiant un pistolet
mitrailleur Micro UZI, soit une arme de guerre par nature excessivement dangereuse et
létale, accompagnée de cartouches, chargeurs et un gilet pare-balles, ce dernier était
susceptible de perpétrer des exactions d’une particulière gravité;
8°) Sur ce point, cette cour d’assises n’a pas été convaincue par les explications de Fettah
MALKI selon lesquelles, lorsqu’il a confié le pistolet mitrailleur Micro UZI et le gilet
pare-balles, il ignorait tout de l’engagement islamiste radical de Mohamed MERAH et
des voyages de l’intéressé en Afghanistan et au Pakistan.
En effet, les éléments de la procédure démontrent que Fettah MALKI ne pouvait ignorer
la nature de l’idéologie extrémiste et violente qui animait Mohamed MERAH, à cette
époque , dans la mesure où :
⁃ étant ami de longue date d’Abdelkader MERAH – qualifié de « fou
d’Allah et du Coran » par Fayssal AMMAR – il connaissait parfaitement la fratrie
MERAH depuis le début des années 2000 et avait nécessairement conscience de
l’engagement religieux salafiste radical d’Abdelkader MERAH et de son frère,
Fettah MALKI affirmant, d’ailleurs, que tout se savait et se disait dans la cité où il
résidait,
⁃ les investigations ont démontré que le lien de confiance et de
proximité existant entre Fettah MALKI et Mohamed MERAH était réel puisque,
d’une part, Mohamed MERAH avait autorisé Fettah MALKI, en juillet 2011, à
recevoir sur son compte bancaire le produit de la vente de sa voiture, soit la
somme de 4400 euros, d’autre part, lui avait prêté son véhicule FIAT PUNTO
dans lequel Fettah MALKI avait été arrêté le 18 novembre 2011, roulant à vive
allure, à TOULOUSE et enfin, que Fettah MALKI avait été rendre visite à
Mohamed MERAH, lors de l’hospitalisation à l’hôpital PURPAN, à son retour du
PAKISTAN,
⁃ les investigations ont démontré que Mohamed MERAH se confiait
facilement sur ses voyages, soit à des proches, soit à des tiers. Ainsi, s’agissant de
ces derniers, Nicolas BRONDINO, brève relation d’Abdelghani MERAH, ayant
vu peu de fois Mohamed MERAH, notamment entre mi-décembre 2010 et mijanvier
2011, expliquait que ce dernier parlait de ses voyages en Russie, en
Egypte, en Turquie, en Irak, en Afghanistan et lui avait affirmé que les terroristes
islamistes ne s’intéressaient pas aux musulmans français qui n’avaient pas le
courage de poser des bombes . Bodief BOUGHERARA déclarait qu’il savait que
Mohamed MERAH avait été au PAKISTAN et en Arabie Saoudite « pour
l’Islam » et soulignait que Mohamed MERAH n’était pas tolérant et qu’il valait
mieux être en accord avec sa vision de l’Islam. Il affirmait, à cet égard, l’avoir
pensé capable d’aller faire la guerre en Afghanistan. Dounia MOKADEM,
dépeignant Mohamed MERAH comme virulent dans ses propos, déclarait qu’il
parlait ouvertement et souvent du jihad et du fait de mourir en martyr, sans le
dissimuler. Elle affirmait que, depuis très longtemps, Mohamed MERAH disait
vouloir rejoindre « les frères » en Afghanistan. Mounir CHAGGOUR, ayant
travaillé quelques mois avec Mohamed MERAH a relaté que ce dernier lui avait
indiqué avoir été notamment en SYRIE, dans des pays du Moyen Orient et en
OUZBEKISTAN. Rabah KISSOUM déclarait que Mohamed MERAH parlait
souvent de religion. Walid MEFTAH, dont la mère a été mariée avec l’oncle de
Mohamed MERAH, confirmait l’importance que Mohamed MERAH accordait à
la religion et qu’il s’énervait quand des critiques étaient faites sur BEN LADEN.
Enfin, Farid BOURKIA, beau-frère de Jamel SLIMANI, qui n’avait rencontré
Mohamed MERAH qu’à une seule reprise lors d’un séjour au ski, en février 2012,
relatait que Mohamed MERAH lui avait révélé avoir été au PAKISTAN et avait
évoqué le fait qu’il était recherché par les services secrets.
9°) Il n’est pas contestable que l’association de malfaiteurs à laquelle Fettah MALKI a
participé avait pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la
terreur;
10°) Il n’est pas plus contestable que cette association de malfaiteurs avait pour objet la
préparation d’atteintes volontaires à la vie de personnes puisque non seulement, Fettah
MALKI a confié à Mohamed MERAH une arme extrêmement dangereuse et qu’en
l’espèce elle a été utilisée lors des faits commis le 19 mars 2012 à l’école OZAR
HATORAH;
B – La cour d’assises de PARIS spécialement composée a été convaincue de la culpabilité
de Fettah MALKI d’avoir, courant 2011, 2012 jusqu’au 21 mars 2012, à TOULOUSE,
L’ISLE EN DODON et dans le département de la HAUTE-GARONNE, sciemment
recelé un gilet pare-balles qu’il savait provenir d’un vol commis au préjudice de la police,
intentionnellement en relation à titre principal avec une entreprise individuelle ou
collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la
terreur, en raison des éléments à charge suivants qui ont été discutés lors des débats et qui ont constitué les principaux éléments exposés au cours des délibérations menées par la Cour, préalablement aux votes sur les questions :
1°) Fettah MALKI n’a pas contesté l’infraction de recel qui lui est reprochée. Il a, en
effet, reconnu avoir acheté un gilet pare-balles à des individus – dont il n’a pas précisé
les identités -, en connaissance de cause de ce que le gilet pare-balles, sur lequel le logo
de la police apparaissaient, avait une provenance frauduleuse ;
2°) Les investigations ont établi que ce gilet pare-balles a été dérobé dans la nuit du 9 au
10 août 2011 à un fonctionnaire de police du commissariat de TOULOUSE ;
3°) Christelle CLAUZEL a confirmé la provenance frauduleuse du gilet qu’elle a
d’ailleurs dissimulé plusieurs mois à son domicile, à la demande expresse de Fettah
MALKI ;
4°) Cette cour estime qu’ayant effectivement remis ce gilet pare-balles à Mohamed
MERAH en connaissance de l’idéologie radicale de ce dernier – comme cela a été
précédemment développé -, le recel a été commis intentionnellement en relation à titre
principal avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler
gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur ;
C – La cour d’assises de PARIS spécialement composée a été convaincue de la culpabilité
de Fettah MALKI d’avoir, courant 2011, 2012 jusqu’au 21 mars 2012, à TOULOUSE,
L’ISLE EN DODON et dans le département de la HAUTE-GARONNE, acquis et détenu,
irrégulièrement cédé et transporté, sans autorisation une ou plusieurs armes de catégorie A ou B et leurs munitions, en l’espèce notamment un mini Uzi, ses chargeurs et ses munitions, arme et éléments d’armes de catégorie A et ce intentionnellement en relation à titre principal avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur, en raison des éléments à charge suivants qui ont été discutés lors des débats et qui ont constitué les principaux éléments exposés au cours des délibérations menées par la Cour, préalablement aux votes sur les questions :
1°) Il n’est pas contestable, comme cela a été précédemment développé, que Fettah
MALKI a acquis et détenu sans autorisation un pistolet mitrailleur micro Uzi, ses
chargeurs et ses munitions, arme et éléments d’armes qu’il les a irrégulièrement cédés à
Mohamed MERAH et pour ce faire les a transportés.
2°) Il apparaît que le pistolet mitrailleur micro Uzi, ses chargeurs et ses munitions
rentrent effectivement dans les catégories A ou B, soit des armes et matériels de guerre
interdits à la détention ou l’acquisition ( le pistolet mitrailleur de type micro UZI) ou
soumis à autorisation (les chargeurs et ses munitions). Fettah MALKI, sur ce dernier
point, ne justifie d’aucune autorisation.
3°) Cette cour estime qu’ayant effectivement acquis et détenu, transporté et
irrégulièrement cédé le pistolet mitrailleur micro Uzi, ses chargeurs et ses munitions,
afin de les confier à Mohamed MERAH, en connaissance de l’idéologie radicale de ce
dernier – comme cela a été précédemment développé -, les faits ont été commis
intentionnellement en relation à titre principal avec une entreprise individuelle ou
collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la
terreur.