Entrée irrégulière sur le territoire, conditions d’un placement en garde à vue

Cour de cassation

La Cour de cassation vient d’indiquer qu’un ressortissant d’un pays tiers, entré illégalement par une frontière intérieure à l’espace Schengen, ne peut être placé en garde à vue à l’occasion d’une procédure de flagrant délit diligentée du seul chef d’entrée irrégulière dès lors qu’il n’encourt pas l’emprisonnement prévu à l’article L. 621-2, 2°, du CESEDA puisque que la procédure de retour établie par la directive 2008/115/CE n’a pas encore été menée à son terme.

 

Vu les articles 8 et 15 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, ensemble les articles L. 621-2, 2°, du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et 63 et 67 du code de procédure pénale, applicables à la date des faits ;
Attendu, selon l’ordonnance attaquée, rendue par un premier président, et les pièces de la procédure, que Mme X…, de nationalité ghanéenne, a été interpellée, en état de flagrance, le 22 mars 2013, à Coquelles, point d’entrée du tunnel sous la Manche, à bord d’un autobus en provenance de Gand (Belgique) et à destination de Londres (Royaume-Uni) ; qu’après avoir présenté un passeport belge comportant la photographie et le nom d’un tiers, Mme X… se trouvant dépourvue de tout autre document, a été placée en garde à vue pour entrée irrégulière sur le territoire français, sur le fondement de l’article L. 621-2, 2°, du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1560, du 31 décembre 2012 ; que, le lendemain, le préfet du Pas-de-Calais a pris à son encontre une décision de remise aux autorités belges, en vue de sa réadmission, sur le fondement de l’article 2 de l’arrangement conclu, le 16 avril 1964, entre la France et le Benelux, portant sur la prise en charge des personnes à la frontière, et a ordonné son placement en rétention administrative ; qu’un juge des libertés et de la détention a prolongé cette mesure de rétention ; que, par arrêt du 28 janvier 2015 (1re Civ., 28 janvier 2015, pourvoi n° 13-28.349, Bull. 2015, I, n° 25), la première chambre civile de la Cour de cassation a saisi la Cour de justice de l’Union européenne de trois questions préjudicielles portant sur l’interprétation des articles 3, 2), et 6, § 3, de la directive 2008/115/CE précitée ;
Attendu que, pour confirmer la prolongation de la rétention, l’ordonnance retient que le placement en garde à vue de Mme X… est régulier dès lors que l’infraction d’entrée irrégulière était établie à son encontre ;
Attendu cependant que, par arrêt du 7 juin 2016 (CJCE, arrêt du 7 juin 2016, C-47/15), la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit :
“1) L’article 2, paragraphe 1, et l’article 3, point 2, de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, doivent être interprétés en ce sens qu’un ressortissant d’un pays tiers se trouve en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre et relève, à ce titre, du champ d’application de cette directive, lorsque, sans remplir les conditions d’entrée, de séjour ou de résidence, il transite par cet État membre en tant que passager d’un autobus, en provenance d’un autre État membre, faisant partie de l’espace Schengen, et à destination d’un troisième État membre se trouvant en dehors de cet espace.
2) La directive 2008/115 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation d’un État membre permettant du seul fait de l’entrée irrégulière par une frontière intérieure, conduisant au séjour irrégulier, l’emprisonnement d’un ressortissant d’un pays tiers, pour lequel la procédure de retour établie par cette directive n’a pas encore été menée à son terme.
Cette interprétation est également valable lorsque le ressortissant concerné est susceptible d’être repris par un autre État membre, en application d’un accord ou d’un arrangement au sens de l’article 6, paragraphe 3, de ladite directive.” ;
Attendu qu’en cas de flagrant délit, le placement en garde à vue n’est possible, en vertu des articles 63 et 67 du code de procédure pénale, qu’à l’occasion d’enquêtes sur les délits punis d’emprisonnement ; qu’il s’ensuit que le ressortissant d’un pays tiers, entré en France irrégulièrement, par une frontière intérieure à l’espace Schengen, qui n’encourt pas l’emprisonnement prévu à l’article L. 621-2, 2°, du CESEDA dès lors que la procédure de retour établie par la directive 2008/115/CE n’a pas encore été menée à son terme, ne peut être placé en garde à vue à l’occasion d’une procédure de flagrant délit diligentée du seul chef d’entrée irrégulière ;
Qu’en se déterminant comme il l’a fait, sans rechercher si la procédure de retour établie par la directive n°2008/115/CE avait été menée à son terme à l’égard de l’intéressée, le premier président a privé sa décision de base légale ;
Vu les articles L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’elle déclare l’appel recevable, l’ordonnance rendue le 29 mars 2013, entre les parties, par le premier président de la cour d’appel de Douai ;

Directive 2008/115/CE

Article relatif :  Une double sanction fiscale et pénale pour une même infraction n'est pas contraire à la CEDH

Article L. 621-2, 2°, du CESEDA, 

Source : Arrêt n° 1235 du 9 novembre 2016 (13-28.349) – Cour de cassation – Première chambre civile – ECLI:FR:CCASS:2016:C101235 | Cour de cassation