Adoption définitive du projet de Loi « renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme »
Mercredi 18 octobre 2017, le Sénat a adopté, par 244 voix pour et 22 voix contre, les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, ainsi considéré comme définitivement adopté.
Présenté au Conseil des ministres du 22 juin 2017 par M. Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’intérieur, il avait été adopté en première lecture, avec modifications, par le Sénat le 18 juillet 2017 et par l’Assemblée nationale le 3 octobre 2017. La procédure accélérée a été engagée par le Gouvernement le 28 juin 2017.
Selon le Gouvernement, le projet de loi vise à doter l’État de « nouveaux instruments de lutte contre le terrorisme » afin de pouvoir mettre fin au régime dérogatoire de l’état d’urgence.
Pour cela, le projet de loi intègre dans le droit commun des dispositions jusque-là réservées à l’état d’urgence.
Nouveaux pouvoirs pour les préfets
Le préfet aura compétence pour instaurer des périmètres de protection. Il pourra procéder à la fermeture administrative, pour une durée ne pouvant excéder six mois, des lieux de culte pour apologie ou provocation au terrorisme.
Le préfet pourra également faire procéder, sur autorisation du juge, à une visite de tout lieu pour lequel il existe des raisons sérieuses de penser qu’il est fréquenté par une personne suspectée de terrorisme. Cette visite peut s’accompagner de la saisie de documents, objets ou données qui s’y trouvent. L’exploitation des données informatiques saisies est soumise à l’autorisation du juge.
Nouveaux pouvoirs du ministre de l’intérieur
Le ministre de l’intérieur pourra décider des mesures de surveillance à l’encontre de toute personne à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics. Il pourra aussi imposer à la personne de ne pas se déplacer à l’extérieur d’un périmètre géographique déterminé, qui ne peut être inférieur à la commune, sans pouvoir, à la différence de la mesure d’assignation à résidence de l’état d’urgence, l’astreindre à demeurer dans un lieu déterminé pendant une partie de la journée.
Transport aérien
Le projet de loi pérennise le régime permettant la consultation des données du fichier des passagers du transport aérien (données Passenger Name Record ou PNR).
Il crée, en outre, un système national de centralisation des données des dossiers passagers du transport maritime à destination ou au départ de la France, distinct du système PNR.
Surveillance des communications hertziennes
Pour tirer les conséquences d’une invalidation du Conseil constitutionnel (décision du 21 octobre 2016), le projet de loi instaure un nouveau régime légal de surveillance des communications hertziennes.Les services de renseignement pourront intercepter et exploiter les communications électroniques empruntant la voie exclusivement hertzienne et n’impliquant pas l’intervention d’un opérateur de communications électroniques dans un cadre légal doté de garanties.
Contrôle des zones frontalières
Le projet de loi étend les possibilités de contrôle dans les zones frontalières y compris autour des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouverts au trafic international, afin de mieux contrôler l’immigration et prévenir les actes de terrorisme. Ces contrôles pourront être effectués dans une bande de dix kilomètres le long des frontières intérieures, ainsi que dans les zones accessibles au public des ports, des aéroports et des gares ferroviaires et routières ouverts au trafic international. Des contrôles d’identité peuvent être effectués dans ces zones auprès de personnes dont la « nationalité étrangère peut être déduite d’éléments objectifs ».
Un amendement voté en première lecture au Sénat limite au 31 décembre 2021, l’application des dispositions qui autorisent les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance et de procéder à des visites domiciliaires et des saisies et prévoit une évaluation annuelle de l’utilité de ces mesures. L’Assemblée nationale a porté le délai au 31 décembre 2020.
Ce projet de Loi est abondamment critiqué par une partie des professionnels du droits, notamment par le syndicat de la magistrature, le syndicat des avocats de France mais également par des associations telles qu’Amnesty International ou la Ligue des Droits de l’Homme.
On pourrait penser que le débat relatif à l’adoption dans le cadre légal de mesures autrefois dérogatoires est celui qui, oppose classiquement, liberté et sécurité. Il faudrait accepter de perdre un peu de liberté afin de gagner en sécurité. Mais malheureusement, les règles nouvellement adoptées vont surtout restreindre les libertés de l’ensemble des citoyens sans leur apporter plus de sécurité.
La mesure la plus problématique étant selon la possibilité pour le ministre de l’intérieur d’imposer à une personne de ne pas se déplacer à l’extérieur d’un périmètre géographique déterminé. L’interdiction d’aller et venir en toute liberté ne repose pas sur une condamnation pour des faits punissables déjà commis mais peut simplement être pris à l’encontre d’une personne pour laquelle existerait des « raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics ».
Au vu de l’émotion légitime suscitée par l’ensemble des attentats commis sur le territoire français et européen, il est certain que cela demande du courage de la part du gouvernement et du législateur d’affirmer aux citoyens que la meilleure solution pour lutter contre le terrorisme n’est pas le durcissement des lois relatives à la sécurité.
Etre responsable cela demande du courage, alors qu’annoncer de nouvelles mesures policières, cela est simple, inefficace et liberticide.
Projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (INTX1716370L)
Observations du Syndicat de la magistrature sur le projet de Loi
Communiqué de la Quadrature du net